
Johanni Curtet est compositeur, musicien, diphoneur et ethnomusicologue.
Il a appris la guitare classique auprès de Jean-Loup Gautret (école de musique de La Flèche) et Hervé Merlin (Conservatoire de Rennes) tout en se formant à la musique de chambre avec le quatuor de guitare Merienda. Suite à cela, il se tourne vers des pratiques musicales relevant de l’oralité, influençant son jeu entre l’Asie et l’Afrique. Pendant 10 ans, Johanni se plonge dans l’apprentissage de la musicologie et de l’ethnomusicologie à l’Université Rennes 2, et se spécialise dans le khöömii (chant diphonique mongol). Entre 2004 et 2013, il est lauréat de plusieurs bourses (Egide, Fondation Internationale Nadia et Lili Boulanger, Aires Culturelles, Collège Doctoral International de Bretagne, American Center for Mongolian Studies, Aide au terrain de la Société Française d’Ethnomusicologie) qui lui permettent d’effectuer ses recherches en Mongolie et d’apprendre la musique traditionnelle, la langue et la culture mongoles. Formé d’abord par Trân Quang Hai, son apprentissage du khöömii vient du maître Tserendavaa Dashdorj dans les steppes montagneuses de l’Altaï, et d’Odsuren Baatar à l’Université des Arts et de Culture d’Oulan-Bator.
À l’image de ses voyages dans 23 pays, marqués par une forte dimension imaginaire, ses projets musicaux se retrouvent toujours au carrefour de nombreuses esthétiques et traditions musicales. Meïkhâneh, son trio principal, propose des créations inspirées d’influences venues d’Iran, d’Europe et de Mongolie. Ce croisement des cultures se synthétise dans les compositions du groupe depuis 2009, avec qui il continue de se former en se rapprochant d’une influence majeure, celle de Thierry Robin, grâce à deux master classes organisées par DROM en 2013 et 2014.
En tant que soliste, Johanni diphone et joue du traditionnel mongol en trio avec Tserendavaa & Tsogtgerel ; et les trois chanteurs se retrouvent dans la création Urbi&Orbi de Pierrick Lefranc avec des musiciens de jazz improvisé, accompagné par Xavier Dessandre Navarre (batterie), Joachim Florent (contrebasse), Sophie Bernardo (basson), Jean Baptiste Henry (bandonéon), créé à L’Espal pour Les Nuits de la Voix en 2013. Johanni chante et incarne le second rôle dans l’Opéra électrique Ève future d’Alain Basso, avec Laura Tejeda (vocaliste et soprane) et Eric Trémolière (ténor), créé à Bonlieu-Scène nationale d’Annecy en 2017. Il compose l’ensemble 9 de Pierre Redon avec des expérimentations vibratoires autour de l’orgue à bouche chinois et japonais ; ou encore Chorus Nunavik / Mongolie de Katia Makdissi-Warren en création pour le festival Présence Autochtone à Montréal en 2019. Cette rencontre avec deux chanteuses inuit, les ensembles OktoEcho de Montréal et Orchid de Vancouver, ouvre la voie d’une suite prévue en avril 2025 à Québec.
Il arrange et accompagne les compositions du soliste touva Batsükh Dorj depuis 2022 dans un style folk et blues des steppes (Sélection officielle Babel Music XP et WOMEX 24). Afin d’aller encore plus loin et présenter le khöömii dans tous ces états, il crée en 2023 le concert à tension variable « Musiques de Mongolie en Diphonie » dans lequel il invite un ou plusieurs artistes à partager cet univers riche en harmoniques autour de compositions ou traditionnels revisités. Une version en duo avec Nasanjargal Ganbold ou Nemekhbayar Yadmaa joue rapidement en France, Finlande, et cette année 2025 au Canada et Grande-Bretagne…
Son influence africaine dans le jeu de la guitare et différents luths (dombra, tovshuur, doshpuluur, garaya) lui vient d’un long séjour de deux années au Cameroun. En participant comme formateur et organisateur aux deux premières éditions de Voix du Sahel à Garoua, Cameroun et à N’Djamena, Tchad (programme transsaharien Azalaï initié par Culturesfrance), il partage la musique aux côtés de Camel Zekri, Yacouba Moumouni, Alpha Barry, Mounira Mitchala, mais aussi de nombreux musiciens locaux camerounais (Équipe du Sud à Douala, et des griots du Nord Cameroun) et tchadiens (groupe Tibesti).
Directeur artistique de l’association Routes Nomades depuis 2006, il organise et produit des tournées, des créations et des disques autour du chant diphonique mongol. 19 ans d’activité, des collaborations avec plus de 40 artistes à travers 16 pays sur 3 continents… Johanni assure aussi le conseil artistique de projets liés à la Mongolie pour le Festival de Fès des musiques sacrées du monde au Maroc (2013 et 2016), le Théâtre de la Ville en coproduction avec France Musique (2009, 2010, 2013), le Festival Les Orientales de Saint-Florent-le-Vieil (2006, 2013), Le rêve de l’Aborigène (2006 à présent), ou encore le théâtre équestre Zingaro.
En matière de pédagogie, de 2001 à 2005, Johanni commence par enseigner la guitare classique à des enfants et jeunes de 7 à 15 ans. Mais c’est avec le chant diphonique, dans la continuité de son mentor Trân Quang Hai, qu’il développe sa passion pour la transmission. Depuis 2008, il intervient dans l’Atelier Voix du monde pour la Cité de la musique/Philharmonie de Paris avec tout type de public (petite enfance, primaires, collèges lycées, adultes amateurs, chanteurs professionnels, futurs enseignants). À travers les activités de son association Routes Nomades il développe depuis 2006 à présent de nombreuses actions pédagogiques pour faire connaître la culture et la musique mongole au plus grand nombre, seul ou accompagné de nombreux musiciens traditionnels mongols avec des structures diverses (écoles de musique, écoles primaires, conservatoires, maisons d’Opéra, Théâtre de la Ville de Paris, centres culturels, festivals musicaux ou littéraires, etc.). Johanni a enseigné le khöömii à l’Université Rennes 2, au Théâtre de la Ville, pour la Kreiz Breizh Akademi (DROM), l’Académie équestre de Versailles, dans des festivals comme Les Orientales ou Les Suds à Arles, et continue de le transmettre à la Cité de la musique, pour diverses associations et groupes de diphoneurs amateurs (Tortue Écarlate) ou en cours particuliers dans toute la France, notamment pour la chanteuse Camille, et en 2017 aux États-Unis dans les universités de la côte est. Il est invité en résidence pour le programme « UD international artist-in-residence in ‘Healing Arts’ initiative » en février et mars 2020 par l’Université de Delaware à Newark. Depuis 2021, il fonde et enseigne le premier cursus de khöömii en Occident avec l’Institut International des Musiques du Monde à Aubagne.
Docteur en ethnomusicologie, il est chargé de cours à l’Université Rennes 2 et régulièrement invité ailleurs (Le Pont Supérieur, INALCO, UCO Angers, Université Rouen-Normandie, HEM, CNSMDL, New-York University, Rutgers…). Ses recherches sont accessibles à travers une thèse sur la transmission et l’histoire du chant diphonique mongol et une dizaine d’articles scientifiques. Avec ce nourrissant bagage, sur scène Johanni sait pourquoi il diphone. Sa pratique est même impliquée. En 2010, il participe à l’inscription du khöömii sur la liste représentative du Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité à l’UNESCO. Suite à cela, il publie avec Sh. Nomindari un disque de référence, Une Anthologie du khöömii mongol, primé à l’international. Toute cette aventure musicale est racontée dans deux films de Jean-François Castell, Maîtres de chant diphonique (2010) et Voyage en Diphonie (2018).
Ce parcours nomade est mis à contribution dans sa nouvelle approche pour la musique de film en composant et interprétant à partir d’un instrumentarium métissé : dombra kazakhe, cithare yatga mongole, vièles à archet, luth touva doshpuluur, guitare classique et électrique, percussions orientales ou coréenne, guimbardes du monde entier… L’inspiration traditionnelle est forte, souvent jouée sur des instruments d’une très belle acoustique ou sonorité, mais dont le jeu est toujours revisité pour créer un espace musical imaginaire propre à la narration de chaque film. En 2023, il compose la B.O. pour « Si seulement je pouvais hiberner » de P. Zoljargal, premier film mongol sélectionné au Festival de Cannes – Un certain regard. En 2024, il compose la musique du court métrage Jad & Nathalie d’Aws Al-Banna dans le cycle de films From Ground Zero, sélectionné pour représenter la Palestine puis shortlisté aux Oscars 2025. La même année, il compose la B.O. du film Songe du réalisateur palestinien Rashid Masharawi, qui sortira en salle le 2 avril 2025.
Discographie :
- Tserendavaa & Tsogtgerel, Chants Diphoniques de l’Altaï Mongol, Routes Nomades/Buda Musique, 2008.
- Dörvön Berkh, Four Shagai Bones, Masters of Mongolian Overtone-Singing, Pan Records/Routes Nomades, 2010.
- La maison de L’ivresse, Meïkhâneh, Autoproduction, Cas Particuliers, Rennes, 2012.
- Urbi & Orbi Live / Création autour du chant diphonique, Cie Hic&Nunc, Label ORGO, 2014.
- La Silencieuse, Meïkhâneh, Buda Musique/Cas Particuliers, 2017.
- Une Anthologie du khöömii mongol, Routes Nomades / Buda Musique, 2017.
- Jangar, ensemble Khusugtun, Routes Nomades / Buda Musique, 2020.
- Pierre Redon & l’Ensemble 9, CHAKRAS & 5 ÉLÉMENTS, Les Sœurs Grées, 2020.
- Chants du dedans, chants du dehors, Meïkhâneh, Buda Musique / Cas Particuliers 2022.
- Ögbelerim – Music for my Ancestors, Batsükh Dorj,Routes Nomades / Buda Musique, 2023.
- If Only I Could Hibernate, Original Motion Picture Soundtrack, Johanni Curtet, Urban Factory / Buda Musique, 2024.
Filmographie
- Maîtres de chant diphonique, de J.-F. Castell, Les Films du Rocher/La Curieuse, 53’, (sujet du film) 2010.
- Voyage en Diphonie, de J.-F. Castell, Les Films du Rocher/A ProPos/Routes Nomades, 70’, (sujet du film) 2018.
- Si seulement je pouvais hiberner, de P. Zoljargal, Amygdala Films/Urban Factory, (compositeur B.O.) 2023.
-
Jad & Nathalie, de Aws Al Banna, cycle From Ground Zero dirigé par R. Masharawi, Coorigines Production (compositeur B.O.) 2024.
- Songe, de R. Masharawi, Kinana Films/Coorigines production, (compositeur B.O.) 2024.