En mongol, Dörvön Berkh, « quatre difficultés », désigne les quatre faces du jeu d’osselets de divination. Ce lancé est un coup rare qui porte chance et présage d’un bel avenir. Dans un sens figuré, ce terme symbolise l’ascension de quatre personnes vers un sommet de la réalisation sociale. Quatre faces du jeu d’osselets, c’est aussi quatre faces du chant diphonique mongol comme on ne l’a jamais entendu.
Une rencontre inédite de quatre des plus grands maîtres du chant diphonique de Mongolie.
Genèse du projet
Le projet Dörvön Berkh a été conçu en avril 2007 en Mongolie. Johanni Curtet (ethnomusicologue) et Otgonbaatar Tsend-Ochir (manageur) ont réuni pour la première fois sur scène quatre des plus illustres représentants du chant diphonique. La première a eu lieu dans l’Auditorium de la Galerie d’Art Moderne d’Ulaanbaatar avec le soutien de l’Alliance Française de Mongolie, la Région de Xovd, la Mairie de Chandman, le Théâtre Dramatique de Xovd et Global Design. Suite au succès remporté, deux tournées ont été organisées en France au printemps et en été 2009. La reprise de cette création s’est poursuivie à La Fonderie, au Mans, avec une résidence de création lumière avec Jacky Jarry. Les chanteurs ont montré un grand plaisir à travailler ensemble de nouveau. Ainsi, Routes Nomades a souhaité prolonger la création par l’édition d’un disque avec le label hollandais Pan Records, sortit en février 2010 dans la collection Ethnic Series. L’histoire de ces allers-retours entre la France et la Mongolie, de ces relations humaines entre un apprenti ethnomusicologue, les diphoneurs mongols et la création de Dörvön Berkh est racontée par Jean-François Castell dans le film Maîtres de chant diphonique (2010).
Création : 7 et 8 avril 2007, Auditorium de la Galerie d’Art Moderne, Ulaanbaatar
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Production : Routes Nomades
Direction artistique : Johanni Curtet & Otgonbaatar Tsend-Ochir
Création lumière : Jacky Jarry, 2009
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Avec le soutien de La Fonderie, Le Mans
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Références :
Amphi-Opéra (Opéra de Lyon), Théâtre Claude Lévi-Strauss (Musée du quai Branly), Opéra de Lille, Musée des arts asiatiques de Nice, Salle Guy Ropartz (Rennes), festival Le Rêve de l’Aborigène, festival Musiques d’Ici et d’Ailleurs, Les Saulnières (Le Mans)…
Biographie des musiciens
Il est né en 1948, une année de la souris, à Chandman, dans la province de Khovd, Mongolie. Retraité depuis 2009, il a travaillé au théâtre dramatique de Khovd pendant plus de vingt ans. Il y a exercé toutes les professions : de régisseur, il est passé par le métier de décorateur, celui de comédien, puis diphoneur, pour finir directeur.
Sengedorj a appris le khöömii seul, dès l’âge de six ans, par l’écoute et l’imitation de son entourage, en s’inspirant du célèbre maître D. Sundui, dont il a assuré la relève au théâtre de Khovd. Après Sundui, il est le deuxième diphoneur à avoir été nommé « Artiste du mérite » par l’État mongol.
Sengedorj fait partie de ceux qui ont considérablement développé le chant diphonique dans les vingt dernières années. Depuis la fin des années 1970, il a joué dans le monde entier (France, Allemagne, Grande-Bretagne, USA, Russie, Corée, Japon, Kazakhstan). Sengedorj pratique trois types de khöömii : kharkhiraa (khöömii profond), khamriin kharkhiraa (khöömii profond nasalisé), et Altain shingen khöömii (khöömii liquide de l’Altaï). Le « khöömii baryton » est le nom qu’il donne à son timbre vocal diphonique personnel. Il s’accompagne du luth tovshuur et joue de la flûte tsuur qu’il a apprise auprès du grand flûtiste Narantsogt. Cet instrument spécifique à la région de l’Altaï est peu joué. Sengedorj enseigne le khöömii à un nombre restreint d’élèves, chez lui ou au théâtre.
Bonus vidéo du DVD du film « Maîtres de chant diphonique » de J.F. Castell (2010)
Discographie
- Mongolie : Musique et chants de l’Altaï (Ceto 811, Paris : Orstom-Selaf, 1986)
- Jargalant Altai. Xoomii and other vocal and instrumental music from Mongolia (Pan 2050CD, Leiden : Pan Records, Ethnic Series, 1996)
- The spirit of the steppes: Throat-singing from Tuva and beyond (NSCD 058, Londres : Nascente, 2000)
- Mongol Nutgiin Calxi (MOCN-0102, Japon, 2001)
- Tunganar Buyant (MOCN-0202, Japon, 2002)
- Dörvön Berkh, Four Shagai Bones, Masters of Mongolian Overtone Singing (Pan, Leiden : Pan Records, Ethnic Series, 2010)
Né une année du mouton en 1954 à Chandman dans la province de Khovd, il est l’un des rares diphoneurs à avoir conservé un mode de vie nomade et une pratique professionnelle du khöömii. Son apprentissage a commencé à l’âge de six ans dans le cadre pastoral par l’imitation de son entourage. Ses nombreux modèles ont été notamment Tsedee, Makhanchuluun, Olmiibat, Margat et Sundui. En tant qu’éleveur, son cheptel se compose de chevaux, chameaux, chèvres, moutons, vaches et yacks. Il a démarré sa carrière de diphoneur professionnel à l’âge de vingt-quatre ans. Depuis les années 1980, il joue dans le monde entier (USA, Grande-Bretagne, France, Portugal, Russie, Japon).
Parmi d’autres diphoneurs (comme Sengedorj et Odsüren), Tserendavaa a été l’un des principaux acteurs et accélérateur du développement que le khöömii a connu en Mongolie sous la période soviétique. Il pratique sept types de khöömii : uruuliin khöömii (khöömii de lèvres), tagnain khöömii (khöömii de palais), bagalzuuriin khöömii (khöömii de gorge), khamriin khöömii (khöömii nasalisé), tseejni khondiin khöömii (khöömii de poitrine), khargia khöömii (khöömii profond) et son style personnel, khosmoljin khöömii (khöömii combiné). Tserendavaa s’accompagne du luth tovshuur, de la vièle cheval morin khuur et de la vièle ekel.
Il transmet sa tradition à ses enfants, aux nomades de sa région, ainsi qu’à de nombreux étrangers de passage. Il transmet le khöömii principalement à deux de ses enfants : Tsogtgerel et Khasha-Erdene ; mais aussi aux habitants de Chandman et de nombreux étrangers de passage.
Discographie
- Musique et chants de tradition populaire Mongolie (various artists) (Grem G7511, Saint Mandé : Grem, coll. Discovering the World Through Sounds, 1986)
- Mongolia. Living music of the steppes, instrumental music and song from Mongolia (MCM 3001, Multicultural Media, JVC, 1997)
- Jargalant Altai. Xoomii and other vocal and instrumental music from Mongolia (Pan 2050CD, Leiden : Pan Records, Ethnic Series, 1996)
- Chandman’Song « traditionnal Mongolian melodies sung in Khoomii (overtone singing) » (TS001, Londres : Amina Records, 2000)
- Music and song of Mongolia. Live at Cambridge, England (various artists) (cassette Global Arts GA1, 5 août 1988)
- Music from Mongolia, Live at the Asia Society, New York, USA (various artists) (cassette, 7 octobre 1987)
- Mongol Music (various artists), cassette de la radio mongole
- Tserendavaa et Tsogtgerel : Chant diphonique de l’Altaï mongol (RN01, Coulaines : Routes Nomades, tirage épuisé, limité à 400 exemplaires, 2006)
- Tserendavaa & Tsogtgerel, chants diphoniques de l’Altaï mongol (3017742, Paris : Buda Musique, coll. Musiques du monde, 2008)
- Dörvön Berkh, Four Shagai Bones, Masters of Mongolian Overtone Singing (PAN 2100, Leiden : Pan Records, Ethnic Series, 2010)
Il est né en 1949, une année de la vache, au village d’Aldarkhaan dans la province de Zavkhan. Enfant, Odsüren apprend le khöömii de S. Myagmar. Au cours de son service militaire, il pratique le chant et le trombone dans la fanfare de l’armée. Suite à cela, il ne se dirige pas vers la musique tout de suite, mais devient professeur de conduite à Ulaanbaatar.
En 1981, il se plonge dans les arts et suit l’enseignement de D. Jantsanchoï, musicien et conteur, à travers les répertoires des épopées tuuli et des chants de louanges magtaal. Sous les conseils de Jantsanchoï, il s’oriente vers l’enseignement du khöömii en 1986. Grâce à l’appui du musicologue et folkloriste J. Badraa, il obtient l’autorisation du régime socialiste pour transmettre officiellement. Odsüren académise la tradition et devient le premier à enseigner le khöömii à l’université d’Ulaanbaatar. Bien que son activité soit essentiellement l’enseignement, il participe à plusieurs concerts internationaux (USA, Japon, Russie, France, Allemagne).
Il pratique douze types de khöömii : khargia khöömii (khöömii profond), khargia khöömii (khöömii profond médium), tsuurai khöömii (khöömii écho), üyelzsen tsuurai khöömii (khöömii écho trillé), shuluun tsuurai khöömii (khöömii écho droit), khamryn khöömij (khöömii de nez), le dorgo khöömii (khöömii « gargarisé »), kherkheree khöömii (khöömii dont le bourdon se fait à partir du son produit par le hoquet), isgeree khöömii (khöömii sifflé), dandildakh (khöömii syllabique), doshgiraa khöömii (khöömii labial vibré) et khosmoljin khöömii (khöömii combiné). Odsüren s’accompagne de la vièle ekel, du luth tovshuur et joue des guimbardes khulsan khuur (en bambou) et tömör khuur (en métal). De nombreux jeunes chanteurs professionnels travaillant dans les ensembles ou les théâtres de la capitale ont été ses élèves. Il enseigne le khöömii à l’Université Nationale de Mongolie, à l’Université d’Arts et de Culture, mais aussi en Bouriatie (Russie), en Mongolie-Intérieure (Chine) et sous forme de stages lors de ses concerts internationaux.
Filmographie
Les bardes de Gengis Khan (La Huit production/Audiovisuel Muzzik, 52mn., 1998)
Discographie
Dörvön Berkh, Four Shagai Bones, Masters of Mongolian Overtone Singing (PAN 2100, Leiden : Pan Records, Ethnic Series, 2010)
Né en 1974 une année du tigre à Zuunkharaa dans la région de Selenge, il réside actuellement à Ulaanbaatar. Autodidacte, Ganzorig commence par apprendre la vièle morin khuur. Des opportunités pour jouer à l’étranger se présentent rapidement. Son intérêt se porte alors vers le khöömii, qu’il apprend en écoutant les maîtres diphoneurs Sundui et Ganbold à la radio, en les imitant jusqu’à parvenir au meilleur résultat. Après avoir maîtrisé les deux styles principaux, il se spécialise dans l’interprétation et la composition des chants de louanges magtaal. Il s’accompagne du luth tovshuur, de la vièle morin khuur, joue de la guimbarde en bambou khulsan khuur et de la flûte tsuur.
Ganzorig travaille ponctuellement avec le théâtre et l’ensemble de Zuunkharaa. Depuis 1996, son activité principale dans l’ensemble Altaï-Khangaï l’amène à jouer dans de nombreux pays : quatre ans de résidence en Allemagne, trois ans en Hollande, et des concerts ponctuels en France, USA, Suisse, Autriche et Maroc. Tourné vers la composition à partir du matériau traditionnel, avec de nombreuses innovations apportées au khöömii, son approche originale combine les styles mongols et touva à merveille.
Bonus vidéo du DVD du film « Maîtres de chant diphonique » de J.F. Castell (2010)
Discographie
Avec Altaï-Khangaï :
- Gone with the wind. Songs of mongolian steppes (WTE CD 002, Amsterdam : Window to Europe, 1998)
- Naariits Bïïlye, Let’s Dance. Mongolian khuuryn tatlaga (PAN 2061, Leiden : Pan Records, Ethnic Series, 1999)
- Melodious Tree (AKA09001, Ulaanbaatar : autoproduction, 2000)
- Naadam (Ulaanbaatar : autoproduction, 2006)
- Öngöd (860240, Paris : Buda Musique/Full Rhizome, 2013)
Avec Dörvön Berkh :
Dörvön Berkh, Four Shagai Bones, Masters of Mongolian Overtone Singing (PAN 2100, Leiden : Pan Records, Ethnic Series, 2010)
En solo :
Khuumei, magtaalchi Ganzorig N. (Ulaanbaatar : autoproduction, 2014)
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Textes : Johanni Curtet